Mercredi 28 juin 2000
Détenu : Gilbert
Collard
Commissaires politiques :
Marc Claude (Le Père Léon)
et Marco (Provence people)
Maître
Collard, bonsoir !
Vous avez été convoqué à un interrogatoire
àKGB-Provence People, ça va vous changer de l’ordinaire puisque vous allez passer –
l’espace d’un dîner - dans le box des accusés…
Nous
allons vous demander de décliner votre identité !
Je
suis né, s’il n’y a pas d’erreur à l’État Civil, le 3 février
1948, c’est-à-dire peu de temps après la mort de Gandhi,
trois jours après je crois. Je suis né à Marseille comme mon accent ne
le dit pas, dans une clinique qui a pris feu le jour de ma naissance, ce
qui a beaucoup inquiété mon père. Cet incendie le jour de ma naissance
lui a donné l’impression que peut-être j’irais mettre le feu un peu
partout.
Que faisaient
vos parents ?
Mon
père était notaire, il avait même été le notaire de Maurras,
et ma mère était riche héritière. Elle a consacré son temps à dépenser
la fortune dont-elle avait hérité.
Il
ne reste plus rien, alors ?
Il
reste un très beau château à Marseille qui s’appelait le Château
de la Madone où je suis né et qui est maintenant occupé
« c’est grandeur et décadence », par des CRS. Le château a
été vendu à des CRS, alors quand je passe devant le château pour aller
chez moi, je vois des CRS et je me dis que finalement ce sont eux qui
gardent la maison, comme ça j’arrive à garder le moral.
Vous
faites vos études secondaires à Marseille ?
Je
suis chez les frères Maristes dès l’âge de 8 ans, pour en sortir à
18 ans.
Vous
étiez brillant ou cancre ?
J’étais
cancre, mais les professeurs savaient que j’étais brillant : j’étais
un cancre brillant.
Je
n’étais pas ce qu’on appelle un bon élève, j’avais le premier
prix de catéchisme, donc ça devrait rassurer tout le monde !
j’avais le premier prix de gymnastique donc je devrais être en tête là
vraiment de tous les hits parade, et j’avais le premier prix de Français.
Ensuite
vous effectuez des études de droit…
J’ai
eu la chance à la fac de droit de fréquenter de grands professeurs
notamment un professeur extraordinaire qui était un spécialiste du vaste
empire romain et qui enseignait l’empire du droit dans une salle vide !
Votre
diplôme en poche, vous démarrez votre carrière d’avocat à Marseille.
Depuis combien de temps exercez-vous ?
Écoutez
je crois que j’ai prêté serment d’allégeance, parce que c’est un
serment d’allégeance qu’on prête - je crois que j’ai croisé les
doigts ce jour là - en 1971-1972.
Comment
s’est bâtie la notoriété que l’on connaît aujourd’hui ?
Vous êtes l’un des avocats les plus médiatiques de France. Est-ce
qu’il y a eu une affaire particulière qui vous a mis sur le devant de
la scène ?
A
mes débuts, j’ai rencontré un très grand avocat dont je ne peux pas
dire le nom parce que sa fille est avocate et elle ne supporte pas que je
dise le nom de son père, parce qu’elle considère que je lui fais une
concurrence déloyale. Cet homme là m’a pris en affection, c’était
un immense avocat.
Marseillais ?
Marseillais,
un homme de talent gigantesque qui m’a conseillé pour ma première
plaidoirie de lire Le voyage au bout de la nuit de Céline,
de l’apprendre par cœur.
Je
devais plaider en cours d’assise pour un clochard qui avait tué dans un
accident de tripoteur un autre clochard, cet homme là avait été un héros
de la seconde guerre mondiale, et comme il était maladroit dans la rédaction
des papiers il n’avait même pas eu de pension.
Alors
j’avais trouvé dans Céline des phrases comme « il
buvait du gros rouge épais comme de l’encre, il fait partie de ces
hommes extraordinaires qui sont des cocus de l’absolu… » et
j’ai suivi son conseil et j’ai plaidé des passages entiers de Céline,
et de fait ça a marché extraordinairement puisque le type a été
acquitté.
Vous
étiez loin du château familial à ce moment là ?
A
l’époque je n’avais même pas de bureau
je n’avais pas d’argent, j’ai honte à la dire mais j’étais
hébergé dans un bar de la rue Montgrand, parce
que fâché avec mes parents je n’avais pas d’argent et j’ai
vraiment débuté dans des conditions de misère totale, sans l’aide de
personne. J’ai connu la pauvreté, la vraie, mais c’est bien et
c’est pour ça que j’aime pas trop les hommes et les femmes politiques
qui font commerce de la pauvreté ! Peu de temps après, ce même
avocat m’a offert une affaire grandiose. Il était l’avocat d’un
homme dont la fille avait été assassinée par Christian Ranucci,
et il avait fait une déclaration contre la peine de mort au sujet de Patrick
Henri . A la suite de cette déclaration, son client l’avait congédié.
Cet avocat avait donné mon adresse. Et j’ai vu arriver l’affaire dont
toute la France parlait. A partir de ce jour là tous les chroniqueurs ont
parlé de moi.
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