Jérôme Bocuse
Né sous de bonnes étoiles…
Photos ©
Jean-Luc Mège et DR
Par Françoise Petit
Il est Français et
Américain, Lyonnais et Floridien, timide et intimidant. Sur les terres, de
Disney Jérôme Bocuse ne joue pas le fils de… PDG de la Compagnie « Chefs de
France »* à Orlando ce gone d’Amérique déguste son rêve en toute lucidité. Son
ancrage à l’adresse d’un tendre exil authentifie une réussite personnelle
qu’accompagne avec délices la notoriété de son nom de famille.
Bocuse junior
s’invite à Lyon avec le naturel d’un enfant qui retrouve ses jouets. Au rythme
de ses envies d’assécher la source de ses incertitudes d’adolescents, Jérôme en
adulte accompli revient ici dire bonjour au passé. Jean Martinon, qui fut
aux Maristes son prof d’économie et d’histoire parle de son ancien élève avec
fierté: « il était gentil, mais je ne sais pas si on peut employer ce mot, je
crois qu’il était bon. Sa réalité d’homme aujourd’hui me semble tout à fait
satisfaisante car l’école n’était pas sa passion première, on aurait pu
craindre… Mais grâce à la qualité de son entourage et notamment sa mère, ces
craintes se sont dissipées ». Plus bougon que rebelle, sans aucune vanité,
le fils Bocuse aimait alors plaire, séduire, se rendre agréable, note
l’ex-enseignant devenu commissaire-priseur : « il dégageait du mystère, se
protégeait dans sa carapace… »
Volontaire, ayant le souci de bien faire ou nourrissant le désir de réussir,
Jérôme additionne ses potentialités comme des « bons points » virtuels. Le
besoin de s’exprimer en terrain neutre s’avérera plus concret, dissipant ses
doutes à la veille de ses 20 ans. C’est donc à New-York, après un service
militaire effectué à fleur de Saône que Jérôme Bocuse parfumera ses indicateurs
d’avenir. L’Ecole Culinary Institute of America le préparera aux vertus de
l’Hôtellerie dans la très select Florida International University. Loin de Lyon
et près de sa nouvelle citoyenneté américaine, Jérôme Bocuse érige alors son
statut de liberté ! Dans le pavillon français d’Epcot qu’il dirige désormais, ce
lovely boss est à l’aise. La centaine d’employés qu’il recrute dans l’hexagone
chaque année est une façon de vivre la France par procuration ! Olivia
Faure-Dufour en 1998 a vécu l’expérience de jeunes inscrits à un eldorado
made in Orlando : « nous étions à l’époque environ 80 à travailler aux
« Chefs de France ». Nous servions entre 450 et 800 couverts jours ! Mais
les horaires et le rythme de travail sont bien moins contraignants qu’ici. Tout
est bien rodé et fonctionne comme sur des roulettes! Jérôme est très respecté,
lorsqu’il est là, on entend les mouches voler ! Derrière cette sévérité se cache
un garçon sensible, gentil et très généreux. »
Bruno Vrignon, chef des cuisines des deux restaurants d’Epcot atteste de
ce professionnalisme : « c’est plus qu’un patron, je le côtoie tous les
jours, ses qualités d’honnêteté et de franchise sont indéniables, il sait
instaurer des rapports de confiance, parle peu, avec lui il n’y a jamais de
sous-entendus, les choses sont clairement dites ». Dans un état où Bush
fait un tabac et Mickey la loi Jérôme prend de la bouteille et observe :
« ici il est plus facile de porter le nom de Bocuse car personne n’est
curieux de savoir qui vous êtes, les gens sont un peu distants, chacun vit pour
soi, sans jalousie ». Zappant la grâce matinée pour chausser ses skis après
un petit-déjeuner frugal- en général des céréales- Jérôme s’offre une dose
d’énergie au grand air. Sa passion du sport nautique le fait glisser chaque
matin sur le lake Sheen dont les rives ourlent sa maison. L’ancien champion dans
cette discipline (parmi les 30 meilleurs mondiaux) entraîne dans son sillage
ses complices à l’instar d’André-Claude Canova prêt à affréter un avion
pour aller skier sur les alligators ! En attendant de surveiller l’exploit de
Monsieur Soie, Jérôme tisse sa toile affective aux côtés de solides amis
installés à New-York Chicago ou Orlando. Renaud Charrin, Jean Blanchet,
Hervé Durozard, directeur général du Groupe Ducasse ou Antoine Dagot,
Président Hilton Grand Vacations Company l’accompagnent dans ses virées en
Harley ou des petites fêtes qui font chaud au cœur. Certains le suivent même
jusqu’à Courchevel. 1850 ? Une fashion altitude, un rendez-vous saisonnier pour
le moniteur Jérôme Bocuse : « C’est là où je m’exprime le plus, quand
j’enseigne le ski à mes clients, c’est tout un contexte, je choisis les
meilleures pistes, les meilleurs restaurants… »
François Susini acquiesce et les copains de Lyon où d’ailleurs arrivent
tout schuss pour une « startiflette »: Pierre-Guy Cellerier, Anne
Révillon ou encore Olivier Farissier son conscrit d’armée qui
trompette avec tendresse : « c’est mon meilleur ami, comme mon frère, il a
toujours été là pour moi dans les coups durs ». Quand ne tombe plus la neige
à Courchevel, quand le Bocuse d’Or se termine, Jérôme retrouve le sable de
Floride parce que c’est ainsi. Au pays des toutous que des chauffeurs déposent
en limousine chez the coiffeur pour chiens notre gone américain reste lucide et
défend son Amérique : « Je regarde CNN et TF1, le traitement de l’information
est si différent que je ne me laisse pas influencer, de toute façon on a du mal
à trouver un monde idéal, il nous manque toujours quelque chose. Ici règne une
atmosphère de sécurité, aucune d’agression et un climat merveilleux, il y a
tout, excepté des petits bistrots, où l’on pourrait parler ». En attendant
un café-comptoir à la lyonnaise, Jérôme a trouvé des mots, me confiant : « Je
l’aime beaucoup, je l’admire pour sa réussite pour tout ce qu’il a fait pour moi ».
Paul Bocuse a toujours su que ses deux enfants étaient aussi merveilleux que
leurs mères respectives.
*La Compagnie
« Chefs de France » à Orlando est née de l’association de Paul Bocuse, Roger
Vergé et Gaston Lenôtre qui avaient été contactés par Walt Disney World. Dans le
pavillon d’Epcot il y a deux restaurants, un gastro, une brasserie et une
boulangerie pâtisserie On peut servir jusqu’à 1000 couverts. Orlando est une
ville de 2 millions d’habitants qui accueillent plus de 30 millions de visiteurs
par an (120.000 chambres d’hôtels !)
A suivre,
Itinéraire d’une enfant gâtée… par la nature !
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